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docsamu.info Espace iade Espace IADE ici polytraumatisme et examen d'un blessé.

Définition |  Examen blessé  |  Bilan lésionnel  |  Détresse Respiratoire  |  Intubation | Ventilation  | Détresse Circulatoire  |  Traitement hypovolémie  |  Analgésie  |  conduite àtenir   |  conclusion

La traumatologie constitue un problème majeur de santé publique. L'évaluation de la gravité est un élément important de la prise en charge initiale qui détermine les moyens préhospitaliers nécessaires et surtout l'orientation vers une structure adaptée. La nécessité d'un bilan lésionnel complet et rapide rend souhaitable la prise en charge des polytraumatisés dans des centres disposant d'un plateau technique complet. Certaines études ont montré que jusqu'à 30 % des décès des patients traumatisés auraient pu être évités par une meilleure prise en charge [Kreis DJ, Plasencia G, Augenstein D, et al. Preventable trauma deaths: Dade County, Florida. J Trauma 1986 ; 26 : 649-54 ]. La définition des priorités dans la prise en charge initiale est un élément déterminant pour la survie de ces patients.

Définition

La définition classique d'un polytraumatisé est celle d'un patient atteint de deux lésions ou plus, dont une au moins menace le pronostic vital. Cette définition n'a pas d'intérêt pratique en urgence car elle suppose que le bilan lésionnel ait déjà été effectué. À la phase initiale, un traumatisé grave est un patient dont une des lésions menace le pronostic vital ou fonctionnel, ou bien dont le mécanisme ou la violence du traumatisme laissent penser que de telles lésions puissent exister. Il est donc très important d'inclure la notion de mécanisme et de violence du traumatisme dans la définition du traumatisme grave, au moins lors de la phase initiale.

Les caractéristiques principales du traumatisé grave peuvent être résumées ainsi :

  • la gravité des lésions ne s'additionne pas mais se multiplie, par potentialisation de leurs conséquences respectives ;
  • la sous-estimation de la gravité des lésions est un piège mortel ;
  • l'absence de diagnostic de certaines lésions traumatiques peut avoir des conséquences vitales ou fonctionnelles dramatiques ;
  • le temps perdu ne se rattrape pas ;
  • les solutions thérapeutiques rendues nécessaires par certaines lésions peuvent être contradictoires impliquant parfois des choix stratégiques difficiles.

Les interférences lésionnelles caractérisent le polytraumatisé et sont de trois ordres :

  • Effet de sommation : le pronostic vital peut être mis en jeu à cause de l'association lésionnelle alors que chaque atteinte prise séparément n'aurait pas les mêmes conséquences (hypovolémie suite à l'association de plusieurs foyers de fractures et d'une plaie de scalp...).
  • Effet de masquage ou d'occultation : « une lésion peut en cacher une autre ». Par exemple, chez un patient présentant des troubles de conscience, le diagnostic clinique de rupture de viscère creux est plus difficile.
  • Effet d'amplification : un traumatisme thoracique peut entraîner une hypoxie qui a des effets délétères chez un traumatisé crânien. La gravité des lésions cérébrales engendre un coma avec troubles de la déglutition et risque d'inhalation de liquide gastrique qui aggrave l'hypoxémie préexistante : c'est la constitution d'un cercle vicieux qu'il convient de rompre

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Les circonstances sont incluses dans les critères de gravité :

  • Éjection d'un véhicule
  • Autre passager décédé dans le même véhicule
  • Chute > 6 m
  • Victime projetée ou écrasée
  • Appréciation globale (déformation du véhicule, vitesse estimée, absence de casque, absence de ceinture de sécurité)
  • Blast
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Examen d'un blessé

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bilan lésionnel

Le bilan lésionnel est réalisé dans un premier temps avant le relevage du patient et le traitement de la douleur commence juste après cette première évaluation. Les manœuvres de ramassage s'effectuent en respectant la rectitude du rachis jusqu'à l'installation du patient sur le matelas à dépression. Ce dernier est moulé de chaque côté du blessé, empêchant tout mouvement (y compris la mobilité latérale de la tête). On prend soin de laisser les deux extrémités dégagées (sommet du crâne et pieds) pour éviter une compression longitudinale du rachis lors de la rétraction du matelas pendant l'instauration du vide.

Le bilan lésionnel initial est systématiquement réévalué dans l'ambulance dans laquelle une ambiance chauffée permet le déshabillage complet du polytraumatisé.
L'examen clinique s'effectue de la tête aux pieds (top to toe) à la recherche des points d'impacts objectivés par la présence d'hématomes, de contusion, de plaies, de déformations visibles, d'un saignement passé initialement inaperçu, d'un soulèvement asymétrique de la cage thoracique. La palpation soigneuse, segment par segment, complète l'inspection (douleur élective chez le patient conscient, défense abdominale peu évidente chez le blessé comateux, déformation...). La palpation des gros troncs artériels (des pouls périphériques en cas de lésions de membres), des fosses lombaires ainsi que la pression des ailes iliaques à la recherche d'une fracture du bassin ne doivent pas être oubliées. L'auscultation pulmonaire et cardiaque complète ce bilan ainsi qu'un examen neurologique succinct pour reconsidérer le score de Glasgow, évaluer les réflexes pupillaires, rechercher des signes de localisation. De plus, un électrocardiogramme est réalisé face à tout traumatisme thoracique.

Le recueil de données sur l'état initial des blessés décrit par les témoins et sur le mécanisme du traumatisme est indispensable.

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  • Les plaies de scalp sont parfois responsables de spoliation sanguine importante et peuvent impliquer une suture rapide avant le départ pour arrêter le saignement. On ne néglige pas les épistaxis postérieures responsables des mêmes conséquences et qui nécessiteront parfois un tamponnement postérieur (à l'aide d'une sonde de Foley par exemple).
  • La fréquence du traumatisme cervical chez le traumatisé crânien impose la rectitude du rachis et la mise en place d’un collier cervical non compressif.

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  • Lors de traumatismes thoraciques, il existe des lésions des gros vaisseaux par « cisaillement » lié à la ceinture ou à l'airbag lors de la décélération. La fréquence de rupture du diaphragme (à gauche dans 80 % des cas, présente dans environ 2 % dans les traumatismes thoracoabdominaux sévères) limite les indications du drainage thoracique préhospitalier à un geste de sauvetage.
  • Lors de lésions d'organes intraabdominaux chez le polytraumatisé, les traumatismes hépatiques sont les plus fréquents après les traumatismes spléniques.
  • Les contusions myocardiques (fréquemment non diagnostiquées) entraînent une morbidité significative chez le tiers des patients.

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    L'agitation est fréquente, liée aux phénomènes douloureux, associée à l'angoisse et au stress ressentis face à une situation violente, imprévue, avec la présence d'autres blessés ou patients décédés. Dans le cas du polytraumatisé, l'équipe médicale doit toujours garder à l'esprit que l'agitation peut aussi être la conséquence d'une hypovolémie, d'une hypoxie, d'une hypoglycémie, d'un traumatisme crânien, d'une intoxication.

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Détresse Respiratoire

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En règle générale, le diagnostic clinique est aisé, cependant l'apparition de la cyanose est inconstante si le patient est en anémie aiguë. La liberté des voies aériennes chez le traumatisé inconscient est le premier geste à réaliser (tout en maintenant la rectitude du rachis). Une oxygénothérapie (6 à 8 L · min -1) est instaurée. La mise en place d'un oxymètre de pouls fait partie des gestes systématiques. Une désaturation franche (une SpO2 < 90 % soit une PaO2 < 60 mmHg) est un signe évident de détresse respiratoire, mais la vasoconstriction liée à une éventuelle hypovolémie et/ou hypothermie limite la fiabilité de la lecture de l'appareil.

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Indications de l'intubation endotrachéale et de la ventilation artificielle
La détresse ventilatoire ou cardiorespiratoire quelle que soit la cause est une indication formelle à l'intubation endotrachéale. L'état de choc et le traumatisme crânien avec un score de Glasgow inférieur ou égal à 8 imposent également une intubation. Dans ce dernier cas, elle est nécessaire pour protéger les voies aériennes contre le risque d'inhalation de liquide gastrique par perte des réflexes de déglutition et pour lutter contre l'hypoxie et l'hypoventilation qui augmentent la pression intracrânienne (PIC,) déjà élevée chez le traumatisé crânien. Si un traumatisme crânien de gravité modéré est accompagné de lésions thoracoabdominales graves, d'un traumatisme facial, de convulsions ou de détérioration rapide du niveau de conscience malgré un score de Glasgow > 8, l'intubation endotrachéale est également justifiée.
La réactivité des voies aériennes ne semble pas être totalement corrélée à la profondeur du coma et un réflexe de toux peut être déclenché par les manœuvres d'intubation. Pour éviter une augmentation de la PIC liée à ce réflexe, il est souvent nécessaire de réaliser une sédation pour un patient qui présente des troubles de conscience même sévères. Enfin, lorsque les posologies des médicaments, nécessaires à une analgésie efficace, exposent à un risque d'hypoventilation (ou d'apnée) ou une perte des réflexes de sécurité : l'intubation endotrachéale sera indispensable.

Réalisation de l'intubation
L'intubation endotrachéale est réalisée par voie orale sous laryngoscopie directe, à l'aide d'une induction en séquence rapide. La préoxygénation, la préparation du matériel d'aspiration et l'installation du patient sous monitorage cardiaque et surveillance hémodynamique sont des préalables indiscutables. La suspicion de lésions du rachis cervical (7,8 % des cas dans une étude anglo-saxonne) impose la limitation de la mobilisation de la colonne cervicale. Ainsi, la réalisation de l'intubation s'effectue au mieux avec trois opérateurs (maintien de la rectitude du rachis après retrait de la partie antérieure du collier cervical, manœuvre de Sellick et intubation sous laryngoscopie directe). Lors de la manœuvre de Sellick, un risque d'aggravation de fractures cervicales basses particulièrement instables a été évoqué par certains auteurs. Dans ce contexte, on peut également préconiser une intubation vigile avec les mêmes précautions concernant le rachis.

 Choix des médicaments
L'analgésie-sédation du polytraumatisé en milieu extrahospitalier est une pratique à risque. En effet, très souvent le patient ne peut répondre aux questions (troubles de la conscience, agitation...). Cependant, lorsque cela est possible, l'équipe médicale ne doit pas se priver de renseignements précieux sur les antécédents, les traitements en cours, les allergies éventuelles... De plus, l'heure du dernier repas est souvent inconnue et le traumatisme, la douleur intense, l'anxiété engendrent une augmentation du temps d'évacuation gastrique. Enfin, les risques de régurgitation et de vomissements sont importants dans cette situation de stress. Ainsi, quelle que soit l'heure de son dernier repas, le patient doit être systématiquement considéré comme un patient à l'estomac plein.
Pour l'induction en séquence rapide, les médicaments employés sont choisis en fonction de leur rapidité d'action et de leur faible retentissement hémodynamique : l'étomidate et la kétamine répondent à ces critères.
La tolérance cardiovasculaire de l'étomidate dans le cas d'un état hémodynamique précaire, sa rapidité d'action et sa brièveté en font un médicament de choix. Il diminue la consommation d'oxygène cérébrale ainsi que la pression intracrânienne, tout en respectant la pression de perfusion (sans diminution de la PAM). L'indication de la kétamine peut être posée (tolérance hémodynamique, analgésie de surface), cependant son emploi était habituellement proscrit pour les traumatisés crâniens graves en raison du risque d'augmentation de la pression intracrânienne. Actuellement son éventuelle action antagoniste sur les récepteurs N-méthyl-D-aspartate fait rediscuter cette contre-indication.
L'injection d'un curare, à délai d'action court et rapidement réversible, facilite les manœuvres d'intubation et permet la reprise d'une ventilation spontanée en cas d'intubation difficile. Le choix se porte à ce jour sur le suxaméthonium. Ses contre-indications sont connues ; la complication majeure reste le choc anaphylactique et l'injection est donc totalement proscrite lorsqu'il existe des antécédents connus d'allergie à ce produit.

L'entretien est réalisé en fonction des paramètres hémodynamiques et l'association fentanyl-midazolam est souvent utilisée. Les produits doivent être prêts à l'emploi dès l'intubation réalisée pour éviter un réveil brutal. Le fentanyl présente en général peu de conséquences hémodynamiques. Chez le patient hypovolémique, on peut parfois noter une diminution de la pression artérielle. Le midazolam est administré en seringue électrique, cependant, compte tenu de ses effets délétères sur le plan hémodynamique, une surveillance étroite de la pression artérielle est impérative.
Dans le cas d'un patient à l'état hémodynamique précaire, le midazolam peut être remplacé par l'étomidate ou la kétamine en dose d'entretien. L'action de l'étomidate sur la cortisolémie le contre-indique en perfusion continue de plus de 6 heures, mais cette situation est peu fréquente en milieu préhospitalier.

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Ventilation artificielle : modalités et surveillance Tout blessé intubé est ventilé dans un premier temps à l'aide d'un ballon autoremplisseur (avec adjonction d'oxygène) puis d'un ventilateur de transport sous surveillance de la SpO2 et de la PETCO2. L'objectif est d'obtenir une SpO2 > 95 % et une normocapnie. Cependant les chiffres de la PETCO2 sont à considérer avec prudence chez le polytraumatisé hypovolémique, car ils ne semblent refléter les variations de la PaCO2 que dans 40 % des cas. Le réglage du respirateur ne saurait donc reposer sur ce seul paramètre. Les complications essentielles de la ventilation en pression positive sont essentiellement hémodynamiques avec la majoration d'une hypotension artérielle préalable, du fait de l'augmentation de la pression intrathoracique et des effets cardiovasculaires des médicaments employés pour la sédation. Un pneumothorax sous tension, révélé lors de la ventilation par l'augmentation des pressions d'insufflation, par des signes de défaillance cardiaque droits, parfois par un emphysème sous-cutané, peut nécessiter une décompression d'urgence par exsufflation. À chaque étape de la prise en charge du blessé, lors de toute manipulation, le branchement des circuits, les pressions d'insufflation, la position de la sonde, les valeurs de l'oxymètre de pouls et du capnographe font l'objet d'une attention particulière. Dans le cas d'une désincarcération, si la durée des manœuvres de sauvetage n'est pas excessive, la ventilation au ballon sera poursuivie en attendant l'extraction du patient.

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Détresse circulatoire

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Le syndrome hémorragique entraînant une hypovolémie absolue est la cause principale d'une insuffisance circulatoire aiguë. La vasoplégie, liée à la perte du tonus sympathique lors d'un traumatisme médullaire siégeant au-dessus de T6, entraîne une hypovolémie relative. La diminution du retour veineux par augmentation de la pression intrathoracique due à un pneumothorax compressif (volontiers révélé lors de l'instauration de la ventilation artificielle), une tamponnade (plaie de cœur...), une défaillance cardiaque (contusion myocardique, décompensation d'une pathologie cardiaque préexistante), la brûlure étendue d'un polytraumatisé suite à explosion, sont autant de circonstances qui engendrent également une insuffisance circulatoire aiguë.

L'hypotension artérielle qui en découle entraîne une diminution de la pression de perfusion cérébrale (PPC), contribuant ainsi à l'ischémie cérébrale. Chez le patient qui a un traumatisme crânien associé, c'est l'hypotension qui est la plus fréquente et la plus délétère des agressions cérébrales secondaires d'origine systémique (ACSOS). Dans le cadre d'une perte du volume sanguin, la chute de pression artérielle est compensée dans un premier temps par la mise en jeu des baroréflexes haute pression, entraînant une réaction sympathique majeure avec augmentation des résistances systémiques par vasoconstriction adrénergique. De plus l'hypotension artérielle stimule l'activité rénine-angiotensine qui augmente l'action sympathique. La mise en jeu de ces phénomènes de compensation rend les valeurs de la pression artérielle peu significatives à ce stade (malgré ces phénomènes, il existe une diminution du débit cardiaque).
Dans un second temps, les résistances périphériques s'effondrent avec apparition d'une hypotension artérielle majeure. Une bradycardie peut être contemporaine de cette phase et ne doit pas être considérée comme un signe de choc irréversible. Chez le polytraumatisé, les mécanismes compensatoires peuvent être altérés. Ainsi, l'interprétation des chiffres de pression artérielle et de fréquence cardiaque est complexe pour pouvoir affirmer la présence ou l'absence d'un syndrome hémorragique lors d'un traumatisme crânien grave. Les lésions médullaires cervicales ou dorsales hautes associées peuvent, en elles-mêmes, induire une hypotension par vasoplégie . Enfin, l'hypothermie (éventuellement favorisée par une intoxication éthylique) va aggraver l'hypovolémie

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Estimation quantitative d'une hypovolémie

La sous-estimation fréquente d'une hypovolémie, dans un contexte de prise en charge préhospitalière difficile, est le piège qui doit toujours rester à l'esprit des équipes médicales.

Les signes cliniques sont parfois évidents (pâleur des téguments, élévation de la fréquence cardiaque, hypotension artérielle, temps de recoloration capillaire > 2 s, points d'appels hémorragiques : plaie vasculaire avec saignement extériorisé, défense abdominale...). Un trouble du comportement peut parfois accompagner ces signes (agitation, confusion, prostration...). Cependant, comme précisé dans le chapitre consacré à la physiopathologie, les chiffres de pression artérielle peuvent être maintenus dans les limites de la normale grâce aux mécanismes compensateurs, et l'intrication des pathologies (en particulier crânienne) et des tares associées (souvent méconnues en période préhospitalière) rend difficile l'interprétation de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle.

La mesure immédiate de la fréquence cardiaque et des pressions artérielles systolique et diastolique par la méthode auscultatoire reste néanmoins l'un des premiers gestes à effectuer : une chute de pression artérielle avec une tachycardie étant un signe évident d'hypovolémie. Une pression artérielle différentielle pincée (< 35 mmHg), liée à un maintien d'une pression artérielle diastolique par la vasoconstriction, est un indicateur de choc hypovolémique ou cardiogénique. L'effondrement de la pression artérielle, qui signe le dépassement des mécanismes de compensation, interviendrait pour une perte sanguine supérieure à 30 % de la volémie.

La mise en place d'un oxymètre de pouls est systématique et, dans ce contexte, l'absence d'onde de pouls signe une vasoconstriction périphérique en relation avec une hypovolémie importante ou/et une hypothermie.
Le temps écoulé avant la prise en charge médicale, l'âge et si possible les antécédents ainsi que les traitements en cours (bêtabloquants...) et les notions d'intoxication (éthylique...) sont des données à prendre en compte pour évaluer l'hypovolémie.

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TRAITEMENT DETRESSE CIRCULATOIRE

La pose de deux cathéters courts de gros calibre (14 à 16 G) dans le réseau veineux périphérique est impérative dans le cas d'une hypovolémie. Le choix du site de ponction est effectué en fonction des circonstances (difficultés d'accès, état veineux...). En cas d'échec, la ponction de la veine fémorale avec la chemise externe d'un introducteur type Désilet est préconisée. Les voies centrales ont un débit moins important et ne sont que des solutions extrêmes ; leur choix dépend de l'expérience de l'opérateur (la voie jugulaire est peu utilisée à cause du risque de mobilisation d'un traumatisme cervical). Malgré l'urgence et la difficulté de la situation extrahospitalière, l'asepsie cutanée préalable à la pose d'un accès veineux ne doit pas être négligée. Le prélèvement sanguin en vue d'un groupage est systématique, parfois son acheminement vers l'hôpital précédera celui du patient.

REMPLISSAGE
Objectifs du remplissage
Une hémorragie entraîne une diminution du transport artériel de l'oxygène (TaO2) et donc un risque d'hypoxie tissulaire par diminution du débit cardiaque et du contenu artériel en oxygène (CaO2). L'expansion volémique a une action favorable sur le débit cardiaque et le TaO2 peut être maintenu jusqu'à un hématocrite de 25 % par hémodilution chez un sujet normovolémique.
Face à une hémorragie incontrôlable, le but du remplissage est « d'assurer la survie du patient dans l'attente du geste d'hémostase » et d'éviter l'hypoxie tissulaire mais on ne se fixera pas comme objectif la restauration d'une volémie « normale » qui pourrait ne jamais être atteinte et retarder le geste chirurgical.
Ainsi, la normalisation de la pression artérielle moyenne (PAM) ne semble plus aujourd'hui le but à atteindre. Des études expérimentales et cliniques semblent montrer que le remplissage visant à rétablir une pression artérielle normale, augmente le volume sanguin perdu par aggravation du saignement au niveau de la plaie vasculaire, dilution des facteurs de coagulation, diminution de la viscosité sanguine et retard du geste d'hémostase. Les études cliniques concernaient des patients ayant des traumatismes pénétrants (sujets fréquemment jeunes) sans lésions crâniennes associées. Les recommandations pour la pratique clinique (portant sur le remplissage vasculaire au cours des hypovolémies) ne prennent pas en compte les notions d'hypotension permissive (permissive hypotension) ou de réanimation différée (delayed resuscitation), proposées dans les études précédemment citées.
Le niveau de tension à atteindre reste variable selon les auteurs. Certains fixent comme objectif l'obtention d'une pression artérielle systolique (PAS) d'environ 80 à 90 mmHg dans l'attente du geste chirurgical (PAM > 45 à 50 mmHg) et proposent donc une hypotension artérielle contrôlée dans le cas de traumatisme pénétrant, de plaie vasculaire incontrôlable (hémopéritoine ou hémothorax évolutif...)]. Le niveau recommandé en pratique clinique est de l'ordre de 70 à 80 mmHg pour la PAM « sans viser la normalisation » tout en précisant que « la mise en œuvre préhospitalière ne doit pas retarder la prise en charge chirurgicale ».
Lors de lésions crâniennes et/ou médullaires associées à l'hypovolémie, une pression de perfusion cérébrale supérieure à 70 mmHg est indispensable. La nécessité d'une PAS supérieure à 90 mmHg (chiffres au-dessous desquels, on note l'aggravation des lésions cérébrales) n'est pas discutée. Les chiffres de 110 à 120 mmHg de PAS sont préconisés pour maintenir une PAM au moins égale à 90 mmHg.

Solutés et stratégie de remplissage
À ce jour, il n'existe pas d'étude clinique définitive permettant de choisir entre cristalloïdes et colloïdes pour le remplissage vasculaire. Les anglo-saxons ont choisi les cristalloïdes (sérum salé isotonique (NaCl 0,9 %, Ringer Lactate) en première intention, compte tenu de leur absence d'effets secondaires. Le sérum salé isotonique reste le plus employé (perfusion de 500 cc sur 15 mn). Cependant le volume de cristalloïdes à perfuser est 3 à 4 fois supérieur à celui des colloïdes pour une correction volémique identique avec un délai d'action plus important.
En conséquence, lorsqu'un remplissage rapide est indiqué (signes cliniques évidents, perte volémique supérieure à 20 % du volume sanguin, PAS < 80 mmHg), il paraît logique de commencer d'emblée par les colloïdes qui ont un pouvoir expandeur supérieur aux cristalloïdes. Le choix entre les gélatines fluides modifiées (Plasmion®) et les hydroxyéthylamidons de bas poids moléculaire (HEA) est en faveur de ces derniers en raison des risques d'effets secondaires moindres (origine végétale et non bovine, peu d'accidents anaphylactoïdes) et d'une efficacité qui semble plus importante. À ce jour, la posologie retenue par l'AMM est limitée à 50 mL · kg -1 · j -1.
Dans les cas où la perte sanguine estimée est inférieure à 20 % du volume circulant, les cristalloïdes sont perfusés en première intention.

Lorsque l'hypovolémie n'est pas évidente, l'épreuve de remplissage est nécessaire, mais les données actuelles de la littérature n'indiquent pas de schéma-type. Les recommandations pour la pratique clinique proposent 50 à 200 mL d'un colloïde ou 200 à 600 mL d'un cristalloïde en 10 à 15 minutes.

Les solutés glucosés n'ont aucune indication pour la prise en charge préhospitalière des polytraumatisés et l'utilisation de l'albumine à 4 % pour les femmes enceintes polytraumatisées reste à discuter. Les solutions salées hypertoniques (NaCl : 75 g · L-1) pourraient trouver leur indication dans les traumatismes crâniens avec choc hémorragique.

Place de la transfusion sanguine
La transfusion sanguine est de pratique exceptionnelle en milieu préhospitalier et ne trouve sa place que dans le cadre d'une désincarcération longue d'un patient avec un choc hémorragique. Au mieux, la mesure de l'hémoglobine par un hémoglobinomètre sur le terrain permet de poser l'indication d'une transfusion (taux d'hémoglobine inférieur ou égal à 7g · 100 mL-1, hématocrite à environ 30 %). Cependant, en cas de saignement important avec une hypovolémie de constitution rapide, les valeurs lues peuvent être faussées. La transfusion est donc guidée par la nécessité d'un remplissage massif sans récupération franche de paramètres hémodynamiques satisfaisants lors d'une plaie vasculaire incontrôlable, dans le cadre d'une désincarcération dont la durée prévisible est incompatible avec la survie du patient sans apport d'érythrocytes. Cet apport s'effectue sans déroger aux conditions de sécurité et aux règles de traçabilité avec des concentrés globulaires O Rhésus négatif (ou isogroupe isorhésus si l'acheminement peut être rapide). L'autotransfusion dans le cas d'un hémothorax drainé lors d'un traumatisme pénétrant est une solution de sauvetage.

Place des amines pressives
Lorsque la PAS reste effondrée malgré un remplissage rapide et que les volumes perfusés sont déjà importants, le recours aux amines pressives est indiqué. Il est à noter que dans le cas des traumatisés crâniens, le maintien d'un hématocrite supérieur à 25-30 % impose de limiter l'emploi des colloïdes à 50 mL · kg -1. L'absence de correction d'une hypotension artérielle peut alors justifier un recours plus rapide aux vasoconstricteurs.

Place du Pantalon antichoc
Dans le cas d'un traumatisme sous-diaphragmatique avec hypovolémie importante, le pantalon antichoc est installé sur le matelas à dépression avant le relevage du patient, permettant sa pose sans être gonflé dans un premier temps. En cas d'échec du remplissage et de PA effondrée, le pantalon antichoc est gonflé, réalisant ainsi une compression du système artériel sous-diaphragmatique. Le traumatisme abdominal avec hémorragie incontrôlable, les saignements liés à une fracture du bassin ou les hématomes rétropéritonéaux (effet hémostatique) avec choc hémorragique sont les indications essentielles à son utilisation. Les pressions de gonflage seront alors de 60 à 80 mmHg en commençant par le gonflage des segments au niveau des membres inférieurs, sous couvert d'une intubation sous sédation et ventilation artificielle. Les lésions sus-diaphragmatiques sont des contre-indications à son emploi.

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Détresse Neurologique

Les équipes de terrain doivent recueillir auprès des témoins, des données concernant l'état de conscience initiale du patient. Ces informations doivent être colligées et transmises ; elles sont précieuses car souvent uniques.
Le score de Glasgow doit normalement être évalué après correction de l'hypoxémie et de l'hypotension, en utilisant des stimulations nociceptives validées (pression sus-orbitaire, appui du lit de l'ongle avec un stylo). Sur le terrain, la fiabilité de la cotation est variable avec une surestimation fréquente de la gravité des lésions. On admet que cette attitude n'est pas dommageable pour le patient et la simplicité d'emploi du score, malgré ses biais, facilite les transmissions entre les intervenants.

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Une hypotension artérielle n'est jamais liée à un traumatisme crânien isolé et si l'état hémodynamique ne nécessite pas un remplissage rapide, le soluté de choix est le NaCl à 0,9 %.
La nécessité d'une correction précoce des facteurs d'ACSOS (hypotension et hypoxie) a été décrite dans le cours des TC graves.

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Analgésie

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Dans le cas d'un polytraumatisé, polyfracturé, la douleur est en général intense ou insupportable liée aux multiples foyers de fractures, aux lésions viscérales. « Un polytraumatisé est un blessé qui souffre ». Cette douleur est majorée par la mobilisation des foyers de fractures (agitation - phase de dégagement) et par la compression des zones douloureuses par une éventuelle charge ou lors de l'extraction. Outre les conséquences physiopathologiques de la douleur, particulièrement délétères chez un patient en état précaire et instable, l'angoisse et l'agitation provoquées par les phénomènes douloureux gênent le diagnostic et la thérapeutique. La nécessité de prise en charge de l'ensemble des lésions somatiques d'un polytraumatisé dans un contexte difficile (conditions climatiques, des modalités d'éclairage insuffisantes, une pression psychologique importante : témoins, entourage, nombreux blessés, médias, vision difficile...) ne doit pas faire oublier aux équipes médicales l'importance de l'analgésie. Ainsi, l'appréciation de la douleur doit être systématique pour entreprendre, le plus tôt possible, une thérapeutique adaptée.

L'échelle verbale simple (EVS) semble plus facilement utilisable dans ce contexte que l'échelle visuelle analogique ou l'échelle numérique. Cependant, l'EVS est moins sensible et il est important de faire le lien entre l'expression verbale du patient et l'expression physique de sa douleur (attitude, signes cliniques).

L'immobilisation des foyers de fractures (avec parfois réaxation de membre) permet la diminution de la douleur ; elle est donc systématique. L'attelle de traction (type Donway®) pour les fractures de la diaphyse fémorale trouve ici toute sa place.

Les modalités de l'analgésie sont déterminées en fonction de la nécessité ou non de maintenir une ventilation spontanée, les paramètres hémodynamiques et l'intensité de la douleur. Sa mise en œuvre implique une balance constante entre les bénéfices/nécessités et les risques/contraintes.

Ainsi, en ventilation spontanée, compte tenu de son effet analgésique et sédatif, la morphine est le produit préconisé par la conférence d'experts. Facilement utilisable, à doses titrées avec risque de dépression respiratoire faible, la morphine est administrée par méthode de titration, selon les recommandations. Le fentanyl n'a pas été recommandé, bien qu'utilisé de longue date en milieu préhospitalier par un certain nombre d'équipes. Cependant, aucune étude ne semble avoir été menée pour évaluer une analgésie au fentanyl comparé à la morphine en ventilation spontanée (maniabilité, effets secondaires, efficacité...) et une évaluation prospective documentée est donc nécessaire.
L'association midazolam-morphine peut être discutée si une agitation persiste malgré une analgésie bien conduite (l'association midazolam-fentanyl n'étant pas recommandé à cause des effets dépresseurs respiratoires), mais une évaluation en pratique préhospitalière doit, là encore, être envisagée.
Quelle que soit la stratégie adoptée, les conditions de sécurité sont respectées (matériel d'aspiration, d'intubation et de ventilation à portée de main, surveillance hémodynamique, oxymétrique et électrocardioscopique).
L'analgésie locorégionale (bloc iliofascial) trouve ses limites dans ce contexte de polytraumatisme avec troubles fréquents de la conscience.
Dans le cas où le niveau d'analgésie-sédation nécessaire impose une intubation endotrachéale, cette dernière sera réalisée au mieux à l'aide d'une induction en séquence rapide, comme indiqué dans le chapitre consacré à l'intubation.

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Conduite à tenir

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L'installation d'une hypothermie est fréquente chez le patient polytraumatisé. Elle est favorisée par de nombreux facteurs tels la température extérieure et la durée de l'intervention dans cet environnement, le traumatisme médullaire, l'état de choc, le traumatisme crânien avec atteinte des centres thermorégulateurs hypothalamiques, l'ingestion d'alcool, le remplissage vasculaire massif ou les produits anesthésiques. De plus, la pharmacocinétique des produits anesthésiques est modifiée par l'hypothermie qui entraîne une augmentation de la concentration plasmatique et un ralentissement du métabolisme et de l'élimination. Enfin, l'hémoconcentration qu'elle induit peut fausser les valeurs de l'hématocrite d'un blessé qui saigne.
La mise en place de couverture (de laine, de survie) est impérative (y compris pendant une désincarcération). Des manchons de protection pour solutés de perfusion peuvent éviter la déperdition calorique des liquides perfusés dans des climatiques difficiles. Enfin certaines équipes disposent de systèmes de réchauffement de gaz inspirés.

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conclusions

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Un des concepts les plus utiles à la prise en charge des traumatisés les plus graves est celui du « damage control ». Ce concept, initialement développé par l'US Navy pour ses navires de guerre, a été appliqué à la chirurgie de guerre et à la prise en charge des patients ayant des traumatismes graves du foie. Chez ces patients, le principe d'un traitement chirurgical ne visant pas à un rétablissement anatomique mais au rétablissement d'une fonction physiologique (hémodynamique) par une intervention la plus rapide possible (laparotomie écourtée) comportant des techniques rudimentaires mais efficaces (packing) associées à une prise en charge incomplète des lésions ne posant pas de problème immédiat d'hémostase, a permis de réduire la mortalité des patients les plus graves . Toutefois, ces principes doivent être probablement étendus à la prise en charge globale des polytraumatisés.

Le traumatisé grave y est admis par le Smur, la régulation ayant prévenu de l'arrivée du patient : une équipe préparée et disponible l'attend. Le contact entre la régulation et le service des urgences se fait de médecin à médecin, si possible par ligne téléphonique dédiée.
Trois règles de base sont à respecter impérativement :
- le traumatisé grave est considéré comme porteur d'une fracture du rachis jusqu'à preuve du contraire apportée par l'imagerie. Les précautions classiques s'appliquent donc ;
- les transmissions entre équipes sont fondamentales : circonstances de l'accident (éjection, chute d'un lieu élevé, incarcération, victimes décédées...) , état clinique initial, remplissage reçu en quantité et nature (hydroxy-éthyl-amidon, soluté hypertonique), sédation administrée et antécédents médicaux du patient lorsqu'ils sont connus à ce stade de prise en charge ;
- le déshabillage est toujours complet mais dans une ambiance thermique chaude.
Dès l'arrivée en salle, le monitorage est rebranché sans jamais être interrompu. Celui-ci comporte au minimum scope, pression artérielle non invasive et saturométre de pouls. Si le malade est intubé, la capnographie est de règle. Il est indispensable de mettre en place dans les meilleurs délais un monitorage invasif de la pression artérielle. Une surveillance de l'hémoglobine par micro-méthode est débutée. En cas de traumatisme crânien grave associé, les gaz du sang sont demandés rapidement pour permettre le réglage optimal du respirateur (objectif PaCO2 à 35 mmHg). Le monitorage de la température corporelle est débuté.
Dès l'admission, le patient est réévalué sur les plans hémodynamique, ventilatoire et neurologique et d'éventuelles mesures thérapeutiques urgentes sont prises en complément de celles déjà initiées préalablement. Il convient enfin de vérifier la bonne position des différentes sondes, cathéters et drains.

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La controverse scoop and run versus field stabilization demeure. Certains auteurs anglo-saxons préconisent un choix entre les deux méthodes en fonction de la situation : scoop and run lors d'hémorragie massive, de plaie pénétrante thoracique, field stabilization pour les traumatismes crâniens graves, obstruction des voies aériennes . Dans d'autres pays, le choix de la méthode est fonction de la qualification des équipes préhospitalières et l'absence de qualification favorise le scoop and run. La mise en condition des traumatisés sur le terrain par des équipes entraînées semble améliorer le pronostic. Ainsi, en France, la présence d'un médecin au sein de l'équipe du Smur est un élément déterminant dans le choix d'une stratégie qui repose sur un réel diagnostic médical et non sur l'application de protocoles stéréotypés par des non-médecins. On note également une différence de succès des gestes techniques : pour l'intubation difficile par exemple, la comparaison des résultats français (0,5 % d'échecs en moyenne) aux résultats américains (7,5 % en moyenne) est en faveur de la constitution d'une véritable équipe médicale en milieu préhospitalier 

Les équipes médicales extrahospitalières ont donc pour objectifs :

  • D’identifier les détresses vitales et réaliser les gestes adaptés
  • D’effectuer un bilan lésionnel « de la tête aux pieds »
  • D'instaurer les thérapeutiques complémentaires nécessaires, en luttant contre les facteurs aggravants (douleur, hypothermie...)
  • de décider de l'évacuation vers un service d'accueil des urgences, au plateau technique approprié, en accord avec la régulation du Samu
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  • de surveiller le blessé et poursuivre les soins pendant le transport
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